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Ô GRECO

Dernière mise à jour : 27 févr. 2020


Christ en croix, d'après GRECO... Oups

Que je vous rassure tout de suite, on ne croise pas encore de crucifiés dans le métro, ce qui est tout de même une chance à y regarder de plus près.


En revanche, si vous avez le plaisir et l'honneur de vivre à Paris, dans sa banlieue ou d'être de passage dans le coin avant le 10 février, je vous conseille plus que vivement  d'aller admirer au Grand Palais le vrai Christ en croix, j'ai presque envie d'écrire en chair et en os, celui du GRECO.


Celles et ceux qui me connaissent savent bien que je ne suis pas très portée sur la chose religieuse, mais la religion de la peinture, c'est autre chose.


J'ai déjà fait part sur ce blog d'une spectaculaire exposition du CARAVAGE qui a eu lieu l'hiver dernier. Elle avait, comme parfois la peinture sait le faire, suscité en moi une sorte d'élan mystique (et néanmoins athée) face à tant de beauté.


Mais à côté du GRECO, CARAVAGE, aussi sublimes soient ses œuvres, ferait presque figure de petit joueur qui s'amuse avec la lumière. C'est simple, en regardant cette expositions, on dirait bien que GRECO les écrase tous. Il semble le génie incontournable de le peinture, et de la transcendance, tous genres et toutes époques confondues. Je sais bien que mon jugement peut paraître excessif, mais c'est bien ce que j'ai ressenti, même si bien entendu, je ne connais pas tous les genres ni toutes les époques de la peinture...


Quand on regarde les tableaux du GRECO, il est possible d'y voir l'histoire de la peinture, avant, mais aussi après lui ! Ils sont tous cités, du TIZIANO à BACON en passant par PICASSO, de VELASQUEZ à TINTORETTO en passant par CEZANNE. Et sûrement tant d'autres encore ! Il y a des sculpteurs aussi, dont j'ignore les noms, sauf peut-être MICHEL-ANGE, dont on raconte qu'il aurait fait chasser le GRECO de Rome, ce dernier ayant eu l'audace de le critiquer.


Mais comment a-t-il pu faire ça ? Je veux dire GRECO, comment a-t-il pu peindre TOUT ça ?

Y avait-il plusieurs personnes dans ce même corps, le sien ?

Etait-il vraiment humain ?

A moins que ce ne soit encore un coup de illuminati...


Sans compter que niveau mystique, il se pose là. Qui n'aurait pas de révélation à la vue de ces merveilles ? Des merveilles qui passent pourtant, ou sont passées longtemps, pour difformes.


Alors, je lis des articles, des interviews, des textes de catalogues, écoute des émissions de radio, discute avec un certain Martin REYNA, peintre dans le civil. Je cherche à comprendre, oui mais quoi exactement ? Plus j'en sais, moins ça m'en apprend. Je parcours compulsivement un tas de textes avec l'illusion que mon œil va être arrêté par un mot, une phrase, la clé, ce qui n'arrive évidemment pas.


D'où peut bien me venir cette idée saugrenue que la beauté en peinture se comprend dans les textes... Non, la beauté en peinture se comprend en peinture, point. Tout le reste est intéressant certes (encore faudrait-il avoir bonne mémoire), mais d'un autre registre. Quand la peinture ouvre la bouche, il s'agit juste d'ouvrir les yeux.


[En revanche, pour ce qui concerne la beauté en pensée, je ne saurais que trop vous suggérer d'écouter cette émission de Jean de LOISY, L'Art et la matière, dans laquelle Marc-Alain OUAKNIN évoque sa traduction de la genèse, les questions linguistiques et théologiques qu'elle soulève, tout en mettant des toiles abstraites en regard de ces thématiques. En l'écoutant, on se croit intelligent.

Merci à Élodie qui m'a transmis ce lien !]


Par 3 fois, je me suis perdue dans les toiles de l'exposition qui me parlaient leur langage muet. A ce rythme-là, il n'est plus question d'esthétique mais de vice. Rien qu'avec cette expo, j'aurais pu rentabiliser un pass annuel pour le Grand Palais. Rien à faire, c'était comme un appel qui m'obligeait à y retourner, encore et encore.

A chaque fois, j'ai pu fixer mon attention sur des aspects différents des toiles, ou même sur des toiles différentes. J'ai pu aussi voir et revoir ce qui m'avait déjà plu dès la première visite.

Je dirais que, dans la vie, c'est ça le luxe, la véritable transcendance : la beauté.


Face à ces œuvres, je me suis souvenue du choc esthétique ressenti à Toledo il y a un bonne dizaine d'années. Ce choc a été encore plus fort ici où mon œil et mon esprit n'étaient distraits par aucune ruelle à parcourir, cathédrale à visiter, train retour à prendre, concurrence artistique ou historique.


Un arrêt dans Paris et hop, un ciel pour lequel aucun adjectif n'est utile, des tissus froissés, des mains qui se prennent, une matière donnée aux corps qui donnerait envie de les enlacer, un singe plus intelligent qu'un homme, un cheval biscornu mais royal, un pied appuyé sur la lune, une main appuyée sur le vide, un pagne noué à la taille, une gueule de l'enfer, un Christ, et puis un autre, et un autre encore, sur la croix, dans le temple, lors de la mise au tombeau, dans le jardin des oliviers, et encore et encore.


De nombreux sujets sont repris plusieurs fois, avec des interprétations picturales différentes, dans des formats différents, à des époques différentes. C'est un bon exercice didactique que de pouvoir comparer des toiles proches et pourtant bien distinctes. La première chose que l'on est tenté de se demander est : laquelle je préfère ? Et puis on se met à regarder l'une puis l'autre puis l'une puis l'autre, ce qui nous aide à voir ce que l'on n'avait pas vu de premier abord. Concernant le Christ chassant les marchands du temple, il n'y en a pas moins de 4 versions !


Un banquet on vous dit.

Un banquet dont une quantité non négligeable de plats ne pourront être dégustés à nouveau puisqu'ils sont issus de collection privées.

Un petit GRECO dans le salon, ça vous habille tout de suite une pièce.


Et puis, il y a ce mariage. Je ne l'avais pas vraiment remarqué lors de mes 2 premières visites. Il a fallu que Martin m'en parle. Comme il avait raison.

La vierge (tissu bleu), son mari (tissu jaune), le prêtre (tissu blanc et cornes sur la tête), des témoins floutés comme pas permis (du mouvement ?), un homme qui regarde (le peintre ?) et les mains entrelacées du couple et du marieur. Ceux qui s'y connaissent disent "maniériste".

Pour ma part, je tenterais bien un "avant-gardiste", ou plus platement "génial". Car même avec notre regard actuel, GRECO continue à être un contemporain en peinture tant il est allé loin. Peindre aujourd'hui ce qu'il a peint il y a plus de 4 siècles serait encore être en avance sur son temps.


Mais, j'arrête là mon baragouin pour vous encourager +++ à aller voir cette exposition si jamais vous ne l'avez pas déjà vue. Au pire, n'hésitez pas à vous mettre en grève pour l'occasion, ça vaut le coup !


Sachez simplement qu'il y a des chances pour que vous en sortiez chamboulé.



Pas de liste de livres cette semaine pour cause de radioactivité (comprenne qui pourra). A la place, une liste de détails de tableaux de l'exposition en question.


Désormais, je suis comme tous ces gens contre lesquels je pestais en permanence dans les musées parce qu'ils prennent les tableaux en photo... Depuis que j'ai un téléphone à peu près comme tout le monde (marque chinoise quand même) qui fait des photos correctes, j'avoue que j'ai du mal à me retenir de prendre quelques détails.


Je les partage avec vous pour la peine, que ça serve au moins à quelque chose :


Le mariage de la vierge (détail)



Christ en croix (je crois) (détail)


Détail de je ne sais plus quel tableau (c'est bien la peine d'y aller 3 fois...)

La mise au tombeau (détail)

Des nouvelles du blog :

Dans le billet mi-ville mi-campagne, il était encore-déjà question d'un peintre, Gustave COURBET en l'occurrence, mais sous sa forme littéraire cette fois.


Revenant à la beauté, tout le monde devrait y avoir accès ! C'est pourquoi pour les vacances de février, je promets ici même d'amener au Louvre les 3 enfants qui m'ont demandé de réitérer notre expérience de visite de musée ensemble. Ils veulent voir la Joconde.

Ce sont des enfants qui, bien que parisiens de naissance, et n'ayant pas à payer l'entrée du musée, ne connaissent pas ce luxe. Grâce à l'école, ils y vont parfois, et c'est heureux. Mais pour eux, c'est l'école. Or, je voudrais tant qu'ils sachent qu'ils peuvent y aller de leur propre initiative, par leur propres moyens, pour eux-mêmes, qu'ils en ont le droit, car la beauté c'est pour tout le monde les mouflets, même pour vous !

Ils en doutent tant parfois... Confer l'affligeant récit de malaise dans la représentation.


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